vendredi 13 septembre 2013

Dhimmitude : Textes officiels discriminatoires à l'égard des Chrétiens d'Orient - Christian Lochon

L'article présenté aborde le sujet de la dhimmitude à l'égard des Chrétiens d'Orient, sachant que les dhimmis, c'est à dire les non-musulmans, sont autant juifs que chrétiens.

"Textes officiels discriminatoires à l’égard des Chrétiens d’Orient"

Christian LOCHON - Directeur honoraire des Études - CHEAM

Source  'L'Oeuvre d'Orient' bulletin n°760
 

Afin d’éviter qu’un non- musulman puisse être élu aux fonctions de Chef de l’État, la constitution de chaque État arabe, sauf celle du Liban, stipule que la religion du Chef de l’État est l’islam ; on peut ajouter aussi que la religion officielle de l’État est l’islam.

Les deux textes qui suivent vont préciser les barrières dressées par les apparatchiks ou les religieux musulmans contre toute velléité d’un non-musulman, d’un dhimmi qui essaierait de faire une carrière politique dans un pays musulman actuel. Ainsi dans son livre « Le statut des dhimmis en pays d’Islam (1963), l’Égyptien A.K.Zeidan écrit : « L’État islamique exige pour la jouissance de certains droits la condition de la religion. Il ne suffit pas qu’une personne soit ressortissante de cet État. Et rien d’étonnant à cela car l’État est libre de la réglementation de la jouissance juridique des citoyens… L’État islamique considère le critère religieux comme la base de discrimination acceptable entre les citoyens en ce qui concerne certains droits, en raison de la qualité islamique de l’État et du fait que ce droit empêcherait de violer les normes de l’Islam. Or l’Islam exige pour la jouissance de certains droits la condition de l’appartenance à l’Islam ».
Abi Al-Ala Al-Mawdoudi, chef religieux islamique pakistanais, dans un article traduit et publié en Égypte en 1977, interdit aux chrétiens le droit d’élection et de candidature pour la Présidence et pour le Parlement. Ils ne peuvent participer qu’aux organes locaux. Il leur est interdit d’occuper les fonctions principales, surtout celles qui touchent à la planification et la direction des organes gouvernementaux importants. Par contre, ils peuvent occuper les fonctions de comptable superviseur, d’ingénieur ou d’administrateur des PTT. Quant à l’armée, ils ne peuvent occuper que la fonction de simple soldat. (Droits des dhimmis dans l’État musulman, Dar el-Fikr - Le Caire 1977).

En ce qui concerne l’entretien des édifices du culte chrétiens, les textes des premiers siècles de l’islam ont conservé leur influence aujourd’hui. Il s’agissait d’interdire la construction de nouvelles églises et d’empêcher les réparations sur les anciennes. Ainsi, croyait-on, au bout de quelques siècles, il n’y aurait plus que des ruines, impropres au service du culte. Ibn Al Naqqash (XIe siècle) donne sur ce sujet le point de vue officiel : « Omar el Abdelaziz (VIIIe siècle) interdit aux chrétiens d’élever la voix en chantant dans leurs églises car ce sont les chants les plus désagréables au Très Haut » et il leur défendait de réparer les parties de leurs temples qui viendraient à tomber en ruines. Sur ce point, il y a deux opinions : s’ils les recrépissent à l’extérieur, dit Al Istakhri (898-949), juriste chaféite de Bagdad, on doit les en empêcher, mais s’ils réparent seulement l’intérieur, la partie qui est de leur côté, on peut tolérer cela » (sic). Le Président libyen Kadhafi déclarait dans le même ordre d’idée, le 8 septembre 1989, « Un arabe ne devrait pas être chrétien et la lutte doit s’opérer pour que les chrétiens arabes embrassent l’islam. Il peut en être ainsi en Égypte, en Irak et en Syrie, où il y a également encore des Arabes qui ne sont pas musulmans ». On pourrait ajouter qu’il y en a même en Libye (20 000) de ces nationalités citées et qui se rendent sans difficulté à la messe dite en arabe dans l’église franciscaine de Tripoli chaque samedi soir. Auparavant, le statut de dhimmi impliquait le paiement d’un impôt très lourd et l’arme fiscale poussait donc à une forte islamisation. Ceci n’existe plus aujourd’hui au nom de la citoyenneté, mais le mépris et la méfiance demeurent, les chrétiens étant souvent assimilés aux « Croisés » occidentaux. Malgré l’article 46 qui se trouve dans la Constitution égyptienne comme dans la plupart de celles des autres États de la région et qui proclame : « l’État garantit la liberté de croyance », il est dangereux d’être musulman et de se convertir à une autre religion, et à un chrétien converti à l’islam pour des raisons profanes (mariage, promotion administrative, bourses d’études pour les enfants) de revenir sur sa décision. C’est pourquoi les États arabes ont préféré adhérer à une Déclaration Islamique des Droits de l’Homme qui passe l’apostasie sous silence plutôt qu’à la Déclaration Universelle qui l’autorise.
Monseigneur Cyrille Bustros, archevêque melkite de Baalbeck, fait état de la situation des édifices du culte dans les pays musulmans. A part l’exception libanaise, le prélat donne trois cas :
1. Pays où il est interdit de construire des églises : Arabie Saoudite, Yémen.
2. Pays où les chrétiens sont considérés comme non nationaux : Koweït, États du Golfe, Oman, États du Maghreb. La construction des églises y est autorisée.
3. Pays où les chrétiens sont autochtones : Égypte, Syrie, Irak, Jordanie, Palestine, Turquie (et Iran). Leur présence est légale ; ils sont des citoyens de seconde zone et tout prosélytisme de leur part envers les musulmans est interdit.
La discrimination existe dans les services administratifs comme le remarque Sami Abu Sahlieh (1); les chrétiens rencontrent des ennuis dans leurs transactions commerciales, dans l’exécution des jugements, dans la perception des impôts, dans le paiement de leurs salaires ou des dommages et intérêts. Dans l’éducation, les écoles privées chrétiennes se voient imposer de constantes entraves, les élèves chrétiens reçoivent difficilement des bourses pour l’étranger (Égypte entre autres), doivent suivre des cours rendus obligatoires de catéchisme musulman et de textes coraniques, découvrent dans les manuels d’études des jugements qui mettent les chrétiens en constante accusation (croisades, époque coloniale) sans faire connaître le rôle des chrétiens d’Orient dans la Renaissance arabe.

Le maintien du statut personnel dans tous les pays arabes entraîne des situations litigieuses très éprouvantes. Ainsi, en Syrie, un père de famille chrétien qui veut divorcer, devient musulman. Ses enfants deviennent obligatoirement musulmans, puisqu’ils se voient attribuer la religion de leur père. A 18 ans, ils ont le droit d’instruire un procès pour obtenir le droit de redevenir chrétien, mais ce faisant, ils ne pourront plus hériter de leur père, puisque des non musulmans ne peuvent pas hériter de musulmans. La situation qui aurait pu être ubuesque dans d’autres pays, devient ici cauchemardesque, même si, en Syrie, des avocats se sont spécialisés pour que leurs clients puissent redevenir chrétiens en échappant à l’interdiction d’apostasie de l’islam, en principe, punie de mort.

D’autres cas sont encore plus pénibles. Dans l’hebdomadaire francophone cairote « Ahram Hebdo » du 26 octobre 1993 traitant des mariages mixtes en Égypte, le jurisconsulte bien connu, Saïd Ashmawy, écrit : « Les femmes non musulmanes ne peuvent pas hériter de leur mari musulman, mais leurs enfants, considérés comme musulmans, le peuvent » ; par contre, un mari musulman pourrait hériter de sa femme non musulmane selon le hadith (parole du Prophète), rapporté par Mouath, alors gouverneur du Yémen : « L’Islam augmente et ne diminue pas. Puisque nous nous marions avec les nôtres, nous héritons d’eux et ils n’héritent pas de nous » (cf. « Arab News », Jeddah, 22 décembre 1995). De même la musulmane n’a pas le droit de garde des enfants ; c’est ce qui entraîne des situations dramatiques qui conduisent les pères musulmans à enlever leurs enfants issus d’une union mixte, en cas de divorce, car la loi française, et d’une manière générale, européenne, privilégie de confier la garde des enfants à la mère. Le Professeur Michel Verwilghen de l’Université de Louvain a évoqué ce douloureux problème.

Christian LOCHON
Directeur honoraire des Études - CHEAM

NDLR : les 2 ouvrages de Mme Bat Ye'Or "Les chrétientés d'Orient entre jihad et dhimmitude" et "The dhimmi" sont des choix d'illustrations de la rédaction, pour approfondir l'article de l'auteur.

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