L'article présenté aborde le sujet de la dhimmitude à l'égard des Chrétiens d'Orient, sachant que les dhimmis, c'est à dire les non-musulmans, sont autant juifs que chrétiens.
"Textes officiels discriminatoires à l’égard des Chrétiens d’Orient"
Christian LOCHON - Directeur honoraire des Études - CHEAM
Source 'L'Oeuvre d'Orient' bulletin n°760
Afin d’éviter qu’un non-
musulman puisse être élu aux fonctions de Chef de l’État, la
constitution de chaque État arabe, sauf celle du Liban, stipule que la
religion du Chef de l’État est l’islam ; on peut ajouter aussi que la
religion officielle de l’État est l’islam.
Les deux
textes qui suivent vont préciser les barrières dressées par les
apparatchiks ou les religieux musulmans contre toute velléité d’un
non-musulman, d’un dhimmi qui essaierait de faire une carrière politique dans un pays musulman actuel. Ainsi dans son livre « Le statut des dhimmis en pays d’Islam (1963), l’Égyptien A.K.Zeidan
écrit : « L’État islamique exige pour la jouissance de certains droits
la condition de la religion. Il ne suffit pas qu’une personne soit
ressortissante de cet État. Et rien d’étonnant à cela car l’État est
libre de la réglementation de la jouissance juridique des citoyens…
L’État islamique considère le critère religieux comme la base de
discrimination acceptable entre les citoyens en ce qui concerne certains
droits, en raison de la qualité islamique de l’État et du fait que ce
droit empêcherait de violer les normes de l’Islam. Or l’Islam exige pour
la jouissance de certains droits la condition de l’appartenance à
l’Islam ».
Abi Al-Ala Al-Mawdoudi, chef religieux islamique
pakistanais, dans un article traduit et publié en Égypte en 1977,
interdit aux chrétiens le droit d’élection et de candidature pour la
Présidence et pour le Parlement. Ils ne peuvent participer qu’aux
organes locaux. Il leur est interdit d’occuper les fonctions
principales, surtout celles qui touchent à la planification et la
direction des organes gouvernementaux importants. Par contre, ils
peuvent occuper les fonctions de comptable superviseur, d’ingénieur ou
d’administrateur des PTT. Quant à l’armée, ils ne peuvent occuper que la
fonction de simple soldat. (Droits des dhimmis dans l’État musulman,
Dar el-Fikr - Le Caire 1977).
En ce qui concerne
l’entretien des édifices du culte chrétiens, les textes des premiers
siècles de l’islam ont conservé leur influence aujourd’hui. Il
s’agissait d’interdire la construction de nouvelles églises et
d’empêcher les réparations sur les anciennes. Ainsi, croyait-on, au bout
de quelques siècles, il n’y aurait plus que des ruines, impropres au
service du culte. Ibn Al Naqqash (XIe siècle) donne sur ce sujet le
point de vue officiel : « Omar el Abdelaziz (VIIIe siècle) interdit aux
chrétiens d’élever la voix en chantant dans leurs églises car ce sont
les chants les plus désagréables au Très Haut » et il leur défendait de
réparer les parties de leurs temples qui viendraient à tomber en ruines.
Sur ce point, il y a deux opinions : s’ils les recrépissent à
l’extérieur, dit Al Istakhri (898-949), juriste chaféite de Bagdad, on
doit les en empêcher, mais s’ils réparent seulement l’intérieur, la
partie qui est de leur côté, on peut tolérer cela » (sic). Le Président
libyen Kadhafi déclarait dans le même ordre d’idée, le 8 septembre 1989,
« Un arabe ne devrait pas être chrétien et la lutte doit s’opérer pour
que les chrétiens arabes embrassent l’islam. Il peut en être ainsi en
Égypte, en Irak et en Syrie, où il y a également encore des Arabes qui
ne sont pas musulmans ». On pourrait ajouter qu’il y en a même en Libye
(20 000) de ces nationalités citées et qui se rendent sans difficulté à
la messe dite en arabe dans l’église franciscaine de Tripoli chaque
samedi soir. Auparavant, le statut de dhimmi impliquait le paiement d’un
impôt très lourd et l’arme fiscale poussait donc à une forte
islamisation. Ceci n’existe plus aujourd’hui au nom de la citoyenneté,
mais le mépris et la méfiance demeurent, les chrétiens étant souvent
assimilés aux « Croisés » occidentaux. Malgré l’article 46 qui se trouve
dans la Constitution égyptienne comme dans la plupart de celles des
autres États de la région et qui proclame : « l’État garantit la liberté
de croyance », il est dangereux d’être musulman et de se convertir à
une autre religion, et à un chrétien converti à l’islam pour des raisons
profanes (mariage, promotion administrative, bourses d’études pour les
enfants) de revenir sur sa décision. C’est pourquoi les États arabes ont
préféré adhérer à une Déclaration Islamique des Droits de l’Homme qui passe l’apostasie sous silence plutôt qu’à la Déclaration Universelle
qui l’autorise.
Monseigneur Cyrille Bustros, archevêque melkite de
Baalbeck, fait état de la situation des édifices du culte dans les pays
musulmans. A part l’exception libanaise, le prélat donne trois cas :
1. Pays où il est interdit de construire des églises : Arabie Saoudite, Yémen.
2.
Pays où les chrétiens sont considérés comme non nationaux : Koweït,
États du Golfe, Oman, États du Maghreb. La construction des églises y
est autorisée.
3. Pays où les chrétiens sont autochtones : Égypte,
Syrie, Irak, Jordanie, Palestine, Turquie (et Iran). Leur présence est
légale ; ils sont des citoyens de seconde zone et tout prosélytisme de
leur part envers les musulmans est interdit.
La discrimination existe dans
les services administratifs comme le remarque Sami Abu Sahlieh (1); les
chrétiens rencontrent des ennuis dans leurs transactions commerciales,
dans l’exécution des jugements, dans la perception des impôts, dans le
paiement de leurs salaires ou des dommages et intérêts. Dans
l’éducation, les écoles privées chrétiennes se voient imposer de
constantes entraves, les élèves chrétiens reçoivent difficilement des
bourses pour l’étranger (Égypte entre autres), doivent suivre des cours
rendus obligatoires de catéchisme musulman et de textes coraniques,
découvrent dans les manuels d’études des jugements qui mettent les
chrétiens en constante accusation (croisades, époque coloniale) sans
faire connaître le rôle des chrétiens d’Orient dans la Renaissance
arabe.
Le maintien du statut personnel dans tous
les pays arabes entraîne des situations litigieuses très éprouvantes.
Ainsi, en Syrie, un père de famille chrétien qui veut divorcer, devient
musulman. Ses enfants deviennent obligatoirement musulmans, puisqu’ils
se voient attribuer la religion de leur père. A 18 ans, ils ont le droit
d’instruire un procès pour obtenir le droit de redevenir chrétien, mais
ce faisant, ils ne pourront plus hériter de leur père, puisque des non
musulmans ne peuvent pas hériter de musulmans. La situation qui aurait
pu être ubuesque dans d’autres pays, devient ici cauchemardesque, même
si, en Syrie, des avocats se sont spécialisés pour que leurs clients
puissent redevenir chrétiens en échappant à l’interdiction d’apostasie
de l’islam, en principe, punie de mort.
D’autres cas
sont encore plus pénibles. Dans l’hebdomadaire francophone cairote «
Ahram Hebdo » du 26 octobre 1993 traitant des mariages mixtes en Égypte,
le jurisconsulte bien connu, Saïd Ashmawy, écrit : « Les femmes non
musulmanes ne peuvent pas hériter de leur mari musulman, mais leurs
enfants, considérés comme musulmans, le peuvent » ; par contre, un mari
musulman pourrait hériter de sa femme non musulmane selon le hadith
(parole du Prophète), rapporté par Mouath, alors gouverneur du Yémen : «
L’Islam augmente et ne diminue pas. Puisque nous nous marions avec les
nôtres, nous héritons d’eux et ils n’héritent pas de nous » (cf. « Arab
News », Jeddah, 22 décembre 1995). De même la musulmane n’a pas le droit
de garde des enfants ; c’est ce qui entraîne des situations dramatiques
qui conduisent les pères musulmans à enlever leurs enfants issus d’une
union mixte, en cas de divorce, car la loi française, et d’une manière
générale, européenne, privilégie de confier la garde des enfants à la
mère. Le Professeur Michel Verwilghen de l’Université de Louvain a
évoqué ce douloureux problème.
Christian LOCHON
Directeur honoraire des Études - CHEAM
NDLR : les 2 ouvrages de Mme Bat Ye'Or "Les chrétientés d'Orient entre jihad et dhimmitude" et "The dhimmi" sont des choix d'illustrations de la rédaction, pour approfondir l'article de l'auteur.
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