vendredi 13 septembre 2013

"C’est une honte pour notre pays" - Christian Solidarity International


«C’est une honte pour notre pays»

Dimanche 23 décembre 2012

En 1974, après avoir terminé ses études, la chrétienne copte Nadia Ghaly s’est enfuie d’Égypte en Australie. Elle a rédigé deux rapports pour CSI et évoque publiquement la disparition de jeunes femmes coptes.

Vous êtes coauteur du rapport de CSI intitulé La disparition, le mariage forcé et la conversion forcée [à l’islam] de jeunes chrétiennes coptes (en anglais). Certains prétendent qu’il s’agirait plutôt d’«histoires du style Roméo et Juliette».
Nullement! Il est clair que dans certains cas, des jeunes coptes épousent un musulman de leur plein gré, mais ce n’est pas la règle. J’entends régulièrement des histoires terribles, notamment de la part des femmes elles-mêmes, quand elles parviennent à s’enfuir. Certaines sont leurrées par des promesses séduisantes, d’autres sont carrément enlevées, violées et ensuite forcées à se convertir à l’islam. Souvent, on les isole complètement du monde extérieur et elles n’ont pas le droit de quitter la maison.

Quand avez-vous appris pour la première fois que des femmes coptes disparaissaient?
J’en avais entendu parler dans ma jeunesse, mais à l’époque, il s’agissait de cas occasionnels. Dans les années 1970, ma cousine a disparu. Elle était monitrice d’école du dimanche dans notre Église. Elle était très belle et déjà fiancée. Je suppose qu’elle s’est mariée parce qu’elle avait été violée. Mais ses parents avaient tellement honte qu’ils prétendaient que leur fille était morte. Seuls leurs proches connaissaient la vérité.

La disparition de votre cousine a donc été un élément déclencheur de votre activité dans la défense des droits de l’homme?
Non, un autre événement clé s’est produit des années plus tard. En 1992, j’ai appris qu’on avait massacré des Coptes dans un endroit situé à deux heures de ma ville natale. 13 chrétiens sont morts. J’ai ressenti un tel choc que j’ai commencé à m’engager pour défendre les droits des Coptes. Maintenant, je fais tout pour rendre public le sort des femmes coptes disparues.
À Lausanne, vous avez qualifié ces cas de «crime très bien organisé qui vise à faire disparaître les Coptes du monde».
Oui, il y a véritablement un système là derrière. Un avocat nous a raconté qu’un musulman avait épousé cinq femmes coptes et les avait toutes forcées à se convertir à l’islam! On rapporte même qu’un homme qui épouse une femme et la convertit à l’islam recevrait une récompense pécuniaire.
Derrière le mariage forcé et la conversion forcée, il y a l’idée de faire diminuer le nombre de mères coptes et augmenter le nombre de mères musulmanes. Des cercles islamistes voudraient qu’il n’existe plus de Coptes en Égypte.

Qui est-ce qui lutte contre la disparition des femmes coptes?
Sur place, les choses ne bougent guère, malheureusement. Le sujet est très délicat. Jusqu’à présent, l’Église copte orthodoxe n’a pas une approche progressiste: les femmes coptes qui ont pu s’enfuir sont encore punies, alors qu’elles devraient être réhabilitées!
Mais il y a encore une lueur d’espoir. Il est vrai que les ecclésiastiques coptes n’osent presque jamais s’exprimer publiquement au sujet des femmes coptes disparues, mais le nouveau pape copte orthodoxe Tawadros II a été très clair. Peu après son intronisation en novembre 2012, il a déclaré: «Nous exigeons le retour des filles, car [leur disparition] est une honte pour notre pays et nuit à la réputation de l’Égypte à l’étranger.»

Que pouvons-nous faire ici, en Occident?
Nous devons diffuser plus largement les informations et exercer une pression internationale. Le gouvernement égyptien doit enquêter plus diligemment et punir les coupables.

■ Adrian Hartmann
Née en 1954, la militante copte des droits de l’homme Nadia Ghaly a grandi dans le sud de l’Égypte, très conservateur. Elle a étudié l’agronomie. À partir du début des années 1970, elle a senti l’influence croissante des islamistes. Elle a été menacée à cause de son activité politique dans le milieu estudiantin, et surtout parce qu’elle était une femme et chrétienne. En 1974, elle a donc dû s’enfuir en Australie pour rejoindre son frère. Aujourd’hui, Nadia Ghaly travaille comme bibliothécaire dans une université australienne. En outre, elle s’engage en politique et dans le cadre de la défense des droits de l’homme. Mi-novembre 2012, elle s’est exprimée lors des journées «portes ouvertes» de CSI.
Rapport CSI concernant les chrétiennes coptes
Comment les jeunes femmes coptes disparaissent-elles? Que deviennent-elles? En 2012, CSI a publié son deuxième rapport à ce sujet, co-rédigé par Nadia Ghaly (voir encadré) et par l’experte américaine de la traite des êtres humains Michele Clark. Michele Clark est professeur-assistant à la «George Washington University (Elliott School of International Affairs)». Elle a également été chargée de la coordination dans la lutte contre la traite des êtres humains pour l’OSCE.

Les deux rapports peuvent être commandés sur : http://www.csi-france.fr

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Cet article provient du site Christian Solidarity International, dont voici le lien :
http://www.csi-france.fr/nadia_ghaly.php?bnrLink=nadia_ghaly.php&sId=

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